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4 avril 2013

A la recherche du bonheur

Le bonheur... but suprême, ultime, universel de notre société ! La question du bonheur est partout. La publicité en fait ses choux gras, le plus célèbre soda du monde allant même jusqu'à choisir pour nouveau slogan (imprimé jusque sur les bouchons de ses bouteilles !) : "ouvre du bonheur". Le reste de l'audiovisuel n'est pas en reste. On ne compte plus le nombre de film où le bonheur est, au fond, la question centrale, et la télévision prend même le pas, en consacrant des émissions au bonheur et à sa recherche, spécialistes, statistiques et même scores de bonheur à la clé. Au fond, alors même que notre société a été profondément bouleversée ces derniers siècles, notre vision du bonheur n'a guère été modifiée. Là où la culture judéo-chrétienne enseignait le bonheur comme un état de grâce absolue et éternel, acquis au terme d'une vie de labeur si elle s'était accompagnée de vertu, la société libéralo-consumériste nous vend le bonheur comme un état supérieur de l'être, acquis en bonne partie, si l'on en croit le discours, par la possession matérielle. La même idée sous-tend donc les deux approches : le bonheur est un état, supérieur, une disposition de l'être qui nous ferait vivre dans la félicité et l'extase, dans une certaine continuité.

A mon sens, cette vision des choses mélange deux éléments, que l'on peut confondre, mais qui sont pourtant bien différents : le bien-être et le bonheur lui-même. Le bien-être, lui, est à coup sur, un état. Cette une disposition, à la fois physique et moral, qui fait se sentir bien. Le bien-être a plusieurs conditions, dont certaines sont matérielles. En effet, il est plus aisé de ressentir du bien-être le ventre plein, au chaud et en bonne santé qu'affamé, grelottant et malade. On rejoint donc là le discours de la société consumériste, à ces détails près que, de ce point de vue, la possession matérielle influe sur le bien-être (et non sur le bonheur), et également que toutes les possessions n'augmentent pas forcément le bien-être de la personne. Le bien-être a également des conditions d'ordre plus moral, émotionnel ou spirituel, tel que le fait de partager des sentiments avec d'autres personnes, pour certains d'accomplir de bonnes actions, de se sentir libre et en sécurité dans son cadre de vie etc. En ce sens, le bien-être rejoint une partie de la définition du bonheur tel qu'on le voit dans notre société : un état, que l'on peut qualifier de supérieur, atteint au prix de certaines conditions. Pour autant, il en diffère dans la mesure où le bien-être ne porte pas en lui cette dimension d'exaltation, de félicité, presque d'ivresse que l'on associe également au bonheur.

Cette exaltation, ce transport, ce ravissement, c'est cela le véritable bonheur. Or, a contrario absolu du bien-être, il est fugace et inconditionnel. Il peut ne durer que quelques minutes, voire quelques secondes, et n'avoir aucune véritable raison. C'est une projection éphémère, une fenêtre en dehors du temps, où l'espace de quelques instants, tout semble possible, le monde se pare d'autres couleurs, la vie prend une saveur riche et capiteuse. C'est une ivresse, un éclatement des sens, un bouleversement interne. Qui s'en va aussi vite qu'il est venu. Voudrait-on y gouter de nouveau, en réunissant à l'identique les mêmes conditions que l'entreprise n'aurait qu'une infime chance de réussir. C'est une ivresse passagère. Mais comme toutes les ivresses, elle peut conduire à la dépendance. Qui n'aurait pas envie de vivre en permanence cet état d'euphorie sans effet secondaire ? C'est sans doute pour cela que l'Humanité, une partie du moins, a fini par se fourvoyer, espérant le bonheur comme un état éternel, durement atteignable certes, mais atteignable tout de même. Le confondant ainsi avec le bien-être. Et cette confusion, par son fourvoiement, entraine nécessairement la frustration pour ceux qui la suive leur vie durant.

Car bonheur et bien-être ne sont pas conditions sine qua non l'un de l'autre. L'on peut vivre dans l'ascèse et le dénuement, privé de la possibilité du bien-être, et pourtant être capable de ressentir ces instants de bonheur. Et inversement, l'on peut posséder tout ce qui est nécessaire à un complet bien-être, et pour autant demeurer hermétique au bonheur. Car le bonheur, pur et véritable, implique la simplicité. Il se niche dans tout, dans un sourire, une lumière, un chant, ou même rien de particulier, un instant simplement. Lorsque la quête du bien-être conduit à une sophistication si grande qu'elle entraine le mépris envers les choses simples de la vie, alors le bonheur se fait de plus en plus rare. La question n'est pas là de prêcher pour une misère bienheureuse, car celle-ci considère, au fond, également le bonheur comme un absolu, arguant pour le coup que cette quête est vaine si elle est associée à celle du bien-être. A mon sens, si quête il y a, c'est celle du bien-être. Le bonheur, lui, n'implique qu'une chose : y être ouvert. Comprendre qu'il n'est pas dépendant du bien-être. Et qu'il ne saurait être éternel, mais au contraire, fugace et éphémère. C'est d'ailleurs ce qui en fait toute la puissance, toute la force... et toute la beauté.

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Commentaires
L
Dans l'un de mes billets de la semaine dernière, je pose à ce sujet la question lancinante et trop rarement évoquée : le bonheur rend-il heureux ?
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